« Et du coeur à tes lèvres je deviens un casse-tête » [R.]

« Et du coeur à tes lèvres je deviens un casse-tête » [R.] 2vj3civ

Ose dire la vérité : rien ne mérite un mensonge

Il était à peine vingts deux heures quand Esteban posa un pied dans l'ascenseur. Troisième étage. Jean délavé, tee shirt un peu trop grand pour lui, une veste en cuir marron et une barbe de trois jours donnaient au jeune mexicain une allure négligée, de bad boys alors que trois étages plus haut, une vie rangée et établie l'attendait. Son idylle avec Silken contrastait tellement avec son mode de vie, son monde. Il avait été un délinquant, fait partie des sous bassement de la ville alors que sa compagne combattait le crime, s'évertuait à rendre New York plus sûr. Pour les habitants. Pour eux. Pour leur futur enfants. Leur couple avait toujours été bâti sur la vérité, l'honnêteté et la confiance. Aujourd'hui, ces vertus n'étaient qu'un lointain souvenir, qu'une lumière affaiblie par le passé d'Esteban. Ce passé même qui était redevenu son présent, son futur. Après une réflexion qui parut durée une éternité, Esteban appuya sur le bouton du 3ème étage et les portes se refermèrent sur lui et sur sa vérité.

Puis et une fois arrivé à son étage, il prit à gauche. 3C. Pourquoi fallait-il qu'il rentre ?

Le jeune mexicain ferma un instant les yeux, posant son front sur la surface froide de la porte. Un soupir s'échappa de ses lèvres. Un soupir d'exaspération, de détresse et de faiblesse. Comment pouvait-il encore rentrer chez lui ? Mentir à Silken était devenu insupportable mais, pourtant c'était un besoin. La peur au ventre, il ouvrit les yeux et posa sa main sur la poignet. C'était déjà ouvert.

« Je suis rentré. » Souffla-t-il, plus à lui-même qu'à sa compagne, tout en pénétrant dans l'appartement. C'était un simple trois pièces, bien assez grand pour le jeune couple qu'il était. Mais Silken rêvait plus grand, Esteban aussi d'ailleurs. Un appartement en centre-ville ou une maisonnette dans les quartiers chic. Ils n'y avaient pas de place pour l'indécision, leur projet était déjà bien trop entamé et trop grand pour qu'Esteban ne mette en péril, ce couple qu'il avait tant voulu. Il rêvait d'enfants. Il rêvait de mariage. Il rêvait d'amour. Mais a quoi bon pensé à ces projets alors qu'au fond le mensonge rongeait ses sentiments. Jamais il n'avait voulu infliger cette situation à Silken et pourtant, chaque jour, chaque minute, chaque seconde était un pas de plus dans le mensonge, dans la trahison. Il l'aimait, oh que oui. Plus qu'il ne l'aurait dû. Ils avaient fait des projets et comment la remerciait-il ? Il lui mentait. Avec scrupule, mal être, certes mais il lui mentait.

Esteban prit enfin une respiration presque normal, déposa ses clés sur le meuble le plus proche et avança d’un pas lent vers l’intérieur de l’appartement. Il tenta une fois de plus de faire bonne figure devant celle qui avait une place importante dans sa vie. Une odeur lui chatouilla alors les narines. Un sourire se figea sur les lèvres du dealer et il chercha Silken des yeux. Elle était installée là, sur la table de cuisine, endormie sur des dossiers. Il s’approcha, hésitant d’abord puis lentement. Il se pencha légèrement et respira son odeur. Un parfum enivrant, le même depuis qu’ils se connaissaient. Puis machinalement, il déposa ses lèvres dans son cou, avec tendresse. Un simple contact lui fit oublier l’espace d’un instant ce qui lui pesait sur la conscience.

« Mon ange ?! » Murmura-t-il, essayant de ne pas brusquer son réveil.

La journée avait été longue. Bien que Silken adorait son travail, elle ne pouvait pas nier que cela n’était pas toujours facile d’être confrontée tous les jours à des affaires criminelles, plus dures les unes que les autres. La demoiselle était forte, et pleine de volonté, et c’est sans doute pour cette raison qu’elle n’avait reculé devant rien depuis son entrée au FBI. Pourtant, ce jour là, une certaine saturation s’empara d’elle. Les heures défilèrent comme des jours, et les minutes comme des heures. Interminable. Silken n’avait qu’une envie, rentrer chez elle et retrouver celui avec qui elle partageait sa vie depuis un petit moment déjà. Elle espérait qu’il sera là à son retour, l’attendant, le repas prêt et le regard empli d’amour. Et c'est cette vision là qui lui permit de terminer sa journée, sans qu’elle ne craque. Bien sûr, elle savait qu’elle rêvait un peu trop. Depuis quelques temps, les deux tourtereaux semblaient s’éloigner l’un de l’autre, c’était tout juste s’ils passaient du temps ensemble le soir venu. Une mauvaise passade sans doute, comme dans chaque couple. Des hauts et des bas. Cela ira mieux très vite, n’est-ce pas ? Silken était loin de se douter qu’elle n’aurait jamais du donner son entière confiance à son petit ami. Non, il n’était pas infidèle, du moins, elle l’espérait. Il s’agissait de bien pire. De son sale passé qui était revenu au galop. Quelque chose dont Silken ne pouvait pas se douter, le croyant sorti de cet enfer à tout jamais. Mais les vilains fantômes ne nous quittent jamais, malheureusement.

L’appartement était vide. Aucune trace d’Esteban. Leur logement inspirait le vide, la solitude, le silence. La demoiselle alluma la lampe de la pièce principale, et posa sa veste et son sac sur la table de la salle à manger. Parcourant d’un regard las l’appartement, elle finit par se laisser tomber dans le canapé. Un soupir s’échappa de ses lèvres et elle ferma les yeux l’espace de quelques secondes. Pourquoi fallait-il qu’un nuage cache le soleil qui brillait jusqu’à alors sur leur vie de couple ? Silken ne se laissa pas pour autant abattre. Elle se prépara à manger, et mangea, seule, avec comme seule compagnie la pile de dossiers qu’elle avait ramené avec elle, sachant très bien qu’elle trouverait le temps de s’y attaquer car Esteban ne serait pas là. Bien décidée à ne pas perdre du temps et à oublier la soirée parfaite qu’elle s’était imaginée, elle s’empara d’un premier dossier, et commença à l’étudier. Vingt heures. Vingt heures trente. Vingt heures quarante cinq. Vingt et une heures. Vingt et une heures trente six. Toujours personne en vue. Le silence continuait à régner sur l’appartement. Elle tenta de joindre son petit ami, mais ce fut en vain. Elle tomba très vite sur le répondeur. Bien décidée à ne pas se plaindre, elle ne fit rien d’autre. Le temps continua à passer lentement, et la fatigue s’empara d’elle. La tête sur les dossiers, la respiration de Silken était lente et régulière. Elle s’était endormie.

Vingt deux heures et quelques minutes. Elle sentit un souffle dans son cou, puis un baiser qu’on y déposait. Esteban était rentré. Un sourire se dessina sur les lèvres de la demoiselle, qui ouvrit lentement les yeux, pour les planter dans ceux de son petit ami.

« Mon ange ?! »

Elle aimait qu’il l’appelle ainsi. Après tout, elle était véritablement son ange. Elle l’avait aidé à s’en sortir, puis elle lui avait donné son entière confiance, pour lui prouver qu’elle l’aimait. Sa patience, et ses sentiments avaient permis à Esteban de décrocher. Elle se releva, inspecta la moindre forme, et expression du visage de son petit ami, puis finit par lui répondre.

« Quelle heure est-il ? » Machinalement, elle n’attendit même pas sa réponse, et tourna la tête vers le fou, qui indiquait l’heure. Vingt deux heures neuf minutes. Plus de deux heures qu’elle était rentrée et qu’elle était seule. Presque deux heures la tête dans ses dossiers. Depuis combien de temps dormait-elle ? Avait-elle avancé quelque chose ? Qu’avait-t-elle retenu dans sa lecture approfondie ? Sans doute pas grande chose. Elle se tourna à nouveau vers Esteban, puis continua. « Mais où étais-tu donc mon amour ? Je t’attend depuis deux heures. J’ai même essayé de t’appeler, mais tu ne m’as pas répondu. Tout va bien j’espère, tu sembles si … fatigué. »

Elle se leva, et serra son corps contre celui d’Esteban. Posant sa tête sur le torse de son petit ami, elle ferma les yeux, avant de les planter dans ceux de son homme quelques secondes plus tard. Elle l’aimait, tellement. Tellement qu’elle affrontait chaque jour les railleries de ses collègues sans broncher. Tellement qu’elle laissait passer ses retards de plus en plus fréquents sans rien dire. Tellement qu’elle ne lui annonça même pas qu’elle était déçue de cette soirée. Tellement … à en devenir naîve.

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