Gabriel -- I love you but I've chosen darkness.

Ma vie n'a toujours été qu'un vide. Ma famille biologique semble n'avoir jamais voulu de moi, et ma famille adoptive n'a jamais beaucoup représenté à mes yeux - comme si je m'étais sevré de toute cellule familiale. La seule personne qui avait son importance dans ma vie m'a quitté. Pour un autre. Je n'étais qu'à elle, je n'aimais qu'elle, et elle est partie. Il ne me restais désormais plus que mon travail, ma noble cause à défendre, un peu ridicule en soi. Et quand mes supérieurs vinrent me proposer cette mission d'infiltration, je ne pu qu'accepter: C'était l'échappatoire par excellence pour quitter cette vie creuse et solitaire. Alors j'ai accepté. Louis Dumain n'avait plus rien à quoi se raccrocher, rien à perdre, alors pourquoi pas ? Pourquoi ne pas devenir Gabriel Saint-Criq et débuter une autre vie tout en servant ma patrie ? Je n'ai pas su trouver de réponse tangible, voilà pourquoi j'ai accepté.

Ne plus avoir d'identité réelle. Louis Dumain a disparu de la circulation depuis plusieurs mois, et Gabriel Saint-Criq n'est qu'un mirage créé pour berner la Genesys Company. Et au milieu, je ne serais plus dire qui je suis réellement. Qui j'ai jamais été. Comment conserver un semblant d'identité quand ma personne est coupé entre deux, quand je dois jouer la comédie sans cesse ? Comment ?

La première fois que j'ai ôté la vie. C'était alors que je n'étais encore qu'un simple policier. Nous devions intervenir dans un braquage qui avait mal tourné. Un homme armé tenait en joue une enfant qui ne devait guère dépasser les sept printemps. Il allait tirer, je le savais, alors, j'ai tiré le premier. J'ai retiré la vie de cet homme pour l'offrir à cette enfant. Et ce qui me perturbe le plus, c'est que je n'ai en rien ressenti un sentiment de culpabilité ou un mal-être par la suite. Au contraire, ce pouvoir qui m'était donné d'agir comme la Mort, m'a grisé. Ce qui m'a fait un peu peur sur le moment.

Je voudrais dire toutes les personnes que j'ai aidé à vivre, et toutes celles que j'ai aidé à sauver directement ou indirectement, mais cela serait trop convenu comme réponse, trop faux. A vrai dire, je ne me rappelle pas du visage de la moitié d'entre eux. Ils ne sont que vagues souvenirs désormais. Mais il y avait cette fille, elle avait été kidnappé quelques temps plus tôt. Je faisais parti de l'équipe de police qui la retrouva, séquestrée dans une cave. Dès que je l'ai aperçu, je n'ai pu m'empêcher de courir vers elle et de la prendre dans mes bras pour la rassurer. Peu professionnel, elle avait fort bien atteint ses seize ans, je vous l'accorde. Mais c'était certainement sa situation qui m'avait touché; elle était orpheline, comme moi, et j'ai eu cette envie soudaine de la rassurer, de l'aider. Après toute cette histoire, nous sommes resté en contact, je suis souvent aller la voir, et j'étais là pour la sortir du pétrin dans lequel elle se fourrait toujours. Un lien s'est installé entre nous, comme si nous étions devenu réciproquement notre famille, celle dont nous avons toujours fantasmé sans jamais l'avoir eu. Elle est ma fierté.

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A l'instant où Louis Dumain devint Gabriel Saint-Criq, signant un contrat lourd de responsabilité avec son gouvernement, il sut que cela ne serait pas facile. Il sut qu'il devrait déployer des trésors d'ingéniosité pour s'en sortir, pour ne pas se faire prendre et donc survivre. Mais il ne se doutait pas à quel point cela serait difficile.

Il était dans une salle sombre, sale. Les plafonds étaient bas, et l'humidité et son odeur âcre revenaient à ses narines comme pour le déstabiliser un peu plus. Il savait que désormais, il n'avait pas le droit à l'erreur, que ce test pouvait être fatal. Quelqu'un entra, un homme, grand, large d'épaule, menton carré et barbe rasée de près. Il tenait par le bras un deuxième homme, qu'il balança face à Louis. D'un regard entendu, il tendit une arme, munie d'un silencieux au jeune homme. Sans un mot, il alla s'effacer contre le mur, observant la jeune recrue. Louis, Louis, Louis... Louis ne pouvait décemment tuer cet homme. Qu'avait-il fait ? Pourquoi méritait-il cela ? Le méritait-il seulement ? Certainement pas. Comment mérite-t-on de mourir ? Ces questions se bousculaient dans l'esprit du jeune agent du FBI. Louis avait déjà pourtant déjà tué, mais cela était une nécessité, il n'avait pas eu le choix. Il avait agit pour les valeurs qu'il chérissait; la Justice, la Liberté, la Sécurité. Et désormais, il devait tuer un inconnu qui n'était surement rien d'autre qu'un pauvre gars choisi au hasard d'une rue, d'un bar, d'une impasse sordide. Celui-ci le fixait de son regard larmoyant ; il savait ce qui allait se passer. Mais Louis ne pouvait plus être cet agent consciencieux et miséricordieux qu'il avait toujours été. Désormais, il était Gabriel, et Gabriel n'était qu'un tueur au sang froid. Et il savait que son hésitation, à cet instant, était une preuve de faiblesse. Il devait agir. Il n'avait pas le choix. Il n'avait plus le choix. Il prit une seconde pour discipliner son visage, chose qu'il allait devoir faire de nombreuses fois par la suite: regard froid et dur, insensible, lèvres scellées, expression neutre. Il formula de vagues excuses dans son esprit pour cette victime. Mais parfois, il faut commettre quelques méfaits pour le bien du plus grand nombre. Ses crimes seront considérés comme un mal nécessaire, plus tard, mais l'étaient-ils réellement ? Il ne savait pas. Il s'était engagé dans cette folie la tête baissé, refusant lâchement d'affronter son malheur et sa vie de non-sens... Le regretterait-il ? Ne valait-il mieux pas affronter sa douleur, la douleur de Louis, plutôt que commettre les horreurs de Gabriel ? Silence. Affreux silence. Il continua à fixer l'homme, éternelle victime, et il tira. Cela ne prit même pas une seconde pour la balle atteigne sa cible. En plein front. Il avait été entrainé. Il était un agent du FBI, auparavant, et il avait toujours été excellent en tir. Il faisait en soi un excellent tueur à gage. Triste ironie du sort.

L'homme s'effondra à terre, brisant momentanément le silence installé.

Gabriel se tourna vers le deuxième homme, dégageant toute trace de culpabilité ou de doute de ses traits. Il pointa son regard inquisiteur et distant sur l'homme qui le dépassait d'une tête et articula, glacial:

« Alors ?
- Parfait. Suis-moi. »

Il le suivit, laissant une nouvelle partie de Louis derrière lui, et marchant sur les traces de Gabriel. Ainsi, tout commença.

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